Avec « AIR TSHISEKEDI » Gulfstream cloué au sol, le président congolais loue les avions du sud-africain Fortune Air

 Avec « AIR TSHISEKEDI » Gulfstream cloué au sol, le président congolais loue les avions du sud-africain Fortune Air

Après plusieurs mois dédiés à la résolution de la crise politique et la formation du nouveau gouvernement, le président Tshisekedi renoue avec l’international. Il utilise pour cela les services de loueurs de jets privés, les avions de la flotte présidentielle étant cloués au sol pour des raisons techniques.

Habituée à louer des jets privés auprès du groupe d’aviation suisse VistaJet, la présidence de Félix Tshisekedi a de plus en plus recours aux services du sud-africain Fortune Air.

C’est à bord d’un appareil de cette société, un luxueux Falcon 900EX pouvant accueillir jusqu’à onze passagers, que la délégation du président s’est rendue à Paris, le 17 mai dernier, pour assister au sommet sur le financement des économies africaines. Le même appareil a également servi ces dernières semaines pour d’autres déplacements du chef d’Etat : à l’occasion d’une visite quelques jours plus tôt, à Lubumbashi et Kolwezi, dans le sud-est de la RDC, ainsi que pour la cérémonie d’investiture, le 16 avril, de son homologue de l’autre côté du fleuve Congo, le président Denis Sassou Nguesso.

Ces déplacements en avion sont organisés en amont par Charles Bujiriri Deschryver. Fils du spécialiste belge de la protection de la nature Adrien Deschryver, connu pour être le créateur en 1980 du parc national de Kahuzi-Biega (dans la province du Sud-Kivu), il a été l’assistant logistique de l’ex-président Joseph Kabila – il était notamment chargé de la maintenance de la flotte présidentielle.

A la suite de l’arrivée au pouvoir en 2019 de Félix Tshisekedi, il a été remplacé à ce dernier poste par Jean-Paul Mulumba, sans pour autant être écarté de l’organisation des voyages du chef de l’Etat. Il doit cette longévité à l’action en sa faveur de l’ex-directeur de cabinet du président, Vital Kamerhe, lui aussi issu de la même province du Sud-Kivu. Malgré la condamnation de ce dernier en juin 2020 à vingt ans de prison pour des faits liés au Programme d’actions des 100 premiers jours , Charles Bujiriri Deschryver a réussi à se maintenir au cœur de l’appareil d’Etat.

Réparations hasardeuses

S’ils sont très appréciés du président, les déplacements en avion coûtent cher au contribuable congolais. Exception faite du premier trimestre 2021, au cours duquel Félix Tshisekedi a peu voyagé en raison de la crise politique provoquée fin 2020 par la rupture de la coalition avec la formation de son prédécesseur Joseph Kabila, le budget de la présidence connaît d’importants dépassements depuis le début de son mandat. En juillet 2020, les services du chef de l’Etat avaient ainsi consommé en un mois l’ensemble de ses crédits pour un trimestre, suscitant l’inquiétude de la société civile.

Ces coûts s’expliquent en partie par l’impossibilité pour Félix Tshisekedi d’utiliser les avions de la flotte de l’exécutif congolais. Il en existe trois utilisés sous la présidence de Joseph Kabila : un Boeing 707 immatriculé 9Q-CLK, un Boeing 727 (9S-CDC), ainsi qu’un Gulfstream G450 (9S-CGC). Le premier a été acheté en 1998 sous la présidence du Laurent-Désiré Kabila, avant d’être utilisé par son fils, Joseph Kabila, pour ses déplacements internationaux. En 2010, sur les conseils de l’ancien PDG de Hewa Bora Airways, le Congolais d’origine grec Stavros Papaioannou, l’avion a été envoyé par Charles Deschryver à Miami, en Floride, pour une lourde opération de maintenance auprès de la société américaine Air Capital Group (ACG) dirigée par Mario Abad.

Les réparations se sont avérées plus coûteuses que prévu, deux moteurs devant impérativement être remplacés sur l’appareil. Or, malgré plus de 6 millions de dollars déboursés au total par la présidence congolaise, le vol d’essai réalisé en septembre 2011 a tourné à la catastrophe. L’un des moteurs de l’appareil s’est arrêté de fonctionner à 24 000 pieds d’altitude, tandis que du carburant fuitait sous la carlingue.

Face au désastre, Kinshasa a décidé en février 2012 de porter l’affaire devant les tribunaux américains. Au terme d’un affrontement juridique de près de trois ans, la cour du Southern District de Floride lui a définitivement donné raison en 2015, en reconnaissant ACG coupable de « violation de contrat » et de « fraude ».

La société a été condamnée à payer un peu plus de 2 millions de dollars à la RDC.

Le Gulfstream cloué au sol

Le Boeing 707 était la propriété personnelle de Joseph Kabila, qui l’avait reçu en héritage de son propre père. Pour assurer la maintenance de cet avion, qui avait transporté la dépouille de Laurent-Désiré Kabila après son assassinat en 2001, son fils aurait donc utilisé les deniers de l’Etat. Le hiatus sur la propriété réelle de l’avion a été soulevé par ACG lors de la procédure judiciaire américaine, avant que les services de la présidence congolaise ne démentent cette version.

Ramené à Kinshasa par bateau, le 707 est depuis remisé dans un hangar de l’aéroport international de N’Djili, à Kinshasa. C’est le même sort qui a été réservé au Boeing 727, qui servait à Kabila pour ses déplacements à l’intérieur du pays. Depuis le début du mandat de la présidence de Félix Tshisekedi, celui-ci a servi une seule fois, en mars 2019 lors d’un voyage du nouveau chef d’Etat dans la capitale kenyane Nairobi, au cours duquel l’avion a connu une série d’incidents techniques.

Quant à l’autre appareil, le Gulfstream G450, celui-ci servait principalement aux membres de la primature. Cet appareil a été acquis en 2013 aux Etats-Unis – il était alors la propriété de la société éditrice du magazine américain Rolling Stone – sous la primature de Matata Ponyo Mapon, après que ce dernier eut survécu à un crash aérien en février 2012.

L’accident avait causé la mort d’Augustin Katumba Mwanke, considéré à l’époque comme le conseiller le plus proche de Joseph Kabila. D’après les informations recues, l’avion a été envoyé entre 2017 et 2018 en Espagne pour une opération de maintenance. On ne l’a pas revu depuis sur le sol congolais – on rapporte que les autorités n’auraient pas payé l’entièreté des frais de réparation de l’appareil.

FK

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