Des dieux en Afrique et aux Antilles, mais de simples immigrés au Canada!

Le Canada est devenu, depuis 2 décennies, la terre promise pour les Français. Entre misère à trouver du travail chez eux dans l’hexagone (en raison du taux de chômage sans cesse croissant) et quête d’éducation et formation de qualité, le Canada est devenu pour les Français ce que la France représente pour les Africains et les gens les îles (les Antillais), c’est-à-dire un paradis sur terre où la manne tombe.
Pour un Africain ou un Antillais comme moi-même, dont le pays d’origine fut brutalement colonisé et pillé par la France, c’est un sentiment de douceur suprême, de satisfaction poignante qui m’anime face à cette situation d’infériorité et de pitié que renvoient nos anciens colons quand ils arrivent au Canada.
Ils sont environs 15.000 français qui traversent l’Océan Atlantique chaque année, dans l’intention de se chercher au Québec. Or le Canada est un pays de droit solide où le favoritisme n’a pas de place.
Qu’on vienne de la France ou de la Guinée, du Japon ou du Brésil, de la Guadeloupe ou du Mexique, le Canada est relativement équitable et frappe tout le monde avec le même fouet. Ainsi, le traitement de noblesse que les français reçoivent quand ils atterrissent en Afrique et aux Antilles disparait subitement quand ils se retrouvent aux portes du Canada. Oui, les mêmes qui, quand ils vont en Afrique et aux Antilles, sont accueillis tapis rouge au sol en tant qu’investisseurs et hauts techniciens, deviennent de simples immigrés au Canada.
Ici, ils sont totalement méconnaissables et assujettis aux mêmes règles et épreuves que l’immigré Guinéen ou Haïtien. Là où la réalité frappe sèchement au visage.
D’abord, notre Nicolas ou Amandine venu de la France, découvre tout de suite que ses diplômes de médecine, de Droit ou d’ingénierie acquis en France ne sont pas reconnus au Canada. Et ce n’est pas tout dire : ses diplômes de médecine, de droit ou d’ingénierie obtenus en France ne sont pas homologables ici. Ainsi, tout comme l’immigré Africain ou Antillais, si notre immigré(e) Français(e) veut bien poursuivre au Canada la carrière qu’il exerçait déjà en France, il va devoir retourner sur les bancs d’école et tout reprendre à zéro, comme si ses accréditations et son expérience de la France n’avaient jamais existé. Quelle douceur! Le moment fatidique et sucré où notre Nicolas Napoléon découvre qu’il est au même pied d’égalité que Mamadou Sangou débarqué de la Guinée.
Les Textes de Camara Laye adorent le Canada pour cette équitabilité crue, cette joyeuse façon de retirer à tous les immigrés les galons de leurs nationalités d’origine, de les placer tous dans le même sac, sur la même ligne de départ et de leur crier « à vos marques, prêts, partez! Et que le meilleur gagne! ».
Si certains français réussissent leur immigration Canadienne, ils restent très nombreux qui sont pris dans le piège des petits boulots sans valeur.
Ainsi, celui qui, en Afrique ou aux Antilles, aurait été accueilli comme un roi, un sauveur, se retrouve à découper la viande de bœuf ou de cochon dans les magasins chez IGA ou Provigo ; à soulever des cartons chez Dollarama ou Walmart ; ou à exercer le métier de vigile chez Cotsco. Tout au grand bonheur de Mamadou Sangou qui, lui, travaille dans un bureau gouvernemental. Cette joie, ce sentiment de vengeance assouvie que de voir le colon, le pilleur de son pays d’origine en dessous de soi au pays d’égalité c’est-à-dire au Canada. Grâce à l’équitabilité du Canada!
Les Textes de Camara Laye