Destin Gavet sur France 24 : faut-il désespérer de la jeunesse politique du Congo ?

Invité du journal Afrique de France 24 le mardi 16 mai, le jeune président de l’Alliance pour l’alternance démocratique en 2026 a sombré dans le cliché et la redondance. Catastrophe.
Dans un documentaire diffusé sur la Chaîne parlementaire la semaine dernière, Nicolas Sarkozy a eu ces mots très puissants : « La politique, c’est d’abord une affaire d’incarnation avant d’être celle des idées. Donnez un pinceau et une peinture à n’importe qui, il ne vous produira certainement pas du Van Gogh. » Incarner : « Représenter en soi, soi-même (une chose abstraite). » Au Congo-Brazzaville, trop de gens se pressent vers la politique sans en avoir les moyens intellectuels et politiques. Ou l’incarner tout simplement. Une épidémie irrémédiable.
Quiconque a suivi le journal Afrique de France 24 de ce mardi 16 mai, s’est facilement rendu compte qu’il n’a rien appris de nouveau. À la question de la journaliste sur les engagements de l’Alliance pour l’alternance démocratique au Congo, Destin Gavet s’est étalé en digressions sordides, ou plus prosaïquement, en clichés. Qui ne sait pas que le Congo est dirigé par un dictateur féroce depuis des décennies ? Qui ne sait pas que les élections au Congo sont truquées ? Qui ne sait pas que le Congo, c’est l’Everest de la corruption ? Qui ne sait pas que Sassou et son clan ont fait la Une du journal (et non magazine comme l’a dit Destin Gavet) Libération ? Pourquoi y revenir ? En vérité, Destin Gavet a été incapable, à l’image d’autres jeunes congolais qui font continuellement du boucan sur les réseaux sociaux, d’articuler le moindre énoncé performatif.
Or la valeur ajoutée de son passage sur France 24 eût été d’esquisser la stratégie qui consiste à établir une once de rapport de forces avec Sassou. Rien de tel. Pire, il a légitimé Sassou en débitant cette absurdité qui contrastait avec sa critique, selon laquelle, « constitutionnellement le président Sassou a le droit d’être candidat en 2026 ». On critique, en même temps on caresse. Incompréhension. Convulsion. Émoi. Veut-on faire partir Sassou et son clan du pouvoir ? Veut-on réellement déssassouiser le Congo ? Si oui, on doit se garder de convoquer ses constitutions à la con.
Quand on sait d’avance que le fichier électoral comporte quelque 500000 électeurs fictifs, on boude l’élection à venir. On n’annonce pas, comme ça, urbi et orbi, une éventuelle participation à la mascarade future. Mais c’est peut-être ça aussi la mission de tous ces jeunes spécialistes de l’enfumage, que de jouer à la duplicité. Accompagner la dictature dans sa quête permanente de légitimité… Pour, au bout du bout, disposer de métaux… Avoir la facilité de monter dans l’avion…
Ce passage sur France 24, à bien y regarder, ne recèle qu’improvisation ou matalana. « Nous pensons au jour d’aujourd’hui ; nous pensons au jour d’aujourd’hui », a-t-il martelé comme un mantra. La marque d’une impréparation. N’a-t-il donc pas de conseillers qui lui auraient déconseillé cette lourdeur répétitive ? Signe qui ne trompe pas, le regard de la journaliste était parfois dur ; sans doute se disait-elle qu’elle était en face d’un invité faible. Faible ? L’adjectif « inculte » convient mieux. Car le pic de la vacuité a été le moment où la journaliste lui a posé la question sur la mission africaine à Kiev et à Moscou.
Et qu’a-t-il répondu, Destin Gavet ? Ô commotion ! Non, un homme politique (du moins qui se croit comme tel) ne peut répondre de la façon qui a été celle de Destin Gavet. « Nous avons déjà nos problèmes au Congo… » Et les autres pays qui tentent la médiation Russie-Ukraine, n’ont-ils pas eux-aussi de problèmes internes ? La France ne connaît-elle pas des mouvements sociaux d’une violence inouïe ? Toutefois, Destin Gavet n’a pas eu tort de ne donner qu’une réponse banale, fuyante, masquant de fait son inculture géopolitique – la caractéristique de nombre d’hommes politiques congolais ennemis de la lecture et de l’analyse. Dans Emile ou de l’Education, Jean-Jacques Rousseau l’écrit si bien : « Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins… »
Mais rien ne permet d’espérer de la jeunesse congolaise ! D’ailleurs, un journaliste de la Rédaction de France 24 a eu ces mots à propos de ce passage non-préparé : « C’est ce qui s’appelle un ratage ! »
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