En Belgique, le port d’Anvers au centre de violences liées au trafic de cocaïne

 En Belgique, le port d’Anvers au centre de violences liées au trafic de cocaïne

Devenu une passoire pour le trafic de cocaïne en provenance d’Amérique latine, le port d’Anvers est aussi l’épicentre de violences qui se propagent dans la ville flamande. Des grenades ont explosé en août dans certains quartiers et des fusillades ont lieu sur des places publiques.

L’insécurité s’aggrave à Anvers, en raison du trafic international de drogue dont le port est devenu une plaque tournante ces dernières années. Les saisies faites par les douanes ont triplé depuis 2016, passant à 90 tonnes en 2021. La drogue, pour l’essentiel de la cocaïne en provenance d’Amérique latine, est cachée dans des containers transportant du bois ou des fruits.

Le directeur général des Douanes, Kristian Vanderwaeren, indique au magazine Moustique que seulement 1,5% des conteneurs sont analysés, sur un trafic énorme de 12 millions de conteneurs débarqués chaque année à Anvers : « On estime qu’une part de 10 à 20 % de la cocaïne en transit est interceptée, mais chaque année, le trafic augmente et nous n’avons pas les moyens de répondre aux besoins grandissants. »

Les règlements de comptes explosent littéralement à coups de grenades, qui ont retenti dans la nuit, ce mois d’août, dans le quartier « multiculturel » de Borgehout, et de fusillades sur des places publiques. Frédéric Van Leeuw, le procureur fédéral de Belgique, ne cache pas son inquiétude : « On a vu des photos de personnes coupées en morceaux, torturées vivantes jusqu’à la mort. Des photos d’appartement où l’on rassemble tous les billets pour que des personnes viennent les chercher avec un niveau aussi de corruption et de violence insoupçonné. C’est ce que j’appelle du narco-terrorisme finalement, parce que l’idée est de décourager les gens de s’attaquer à ces problématiques sous peine de risquer leur vie. » 

Un baron de la drogue néerlandais est recherché

À Anvers, place forte des nationalistes flamands, la communauté marocaine est pointée du doigt. La presse évoque une « Mokro Mafia », cinq familles belgo-marocaines étant soupçonnées de contrôler le marché. Mais les criminels sont aussi Néerlandais. Pour la police des Pays-Bas, le « roi de la drogue du port d’Anvers » n’est autre que Jos Leijdekkers, surnommé « Bolle Jos » (« Jos le gonflé ») et « El Presidente ». La tête de ce ressortissant néerlandais est mise à prix, à hauteur de 75 000 euros pour un tuyau permettant son arrestation. Par ailleurs, quatre trafiquants néerlandais ont été arrêtés en juillet dans le port d’Anvers, pris en flagrant délit de transbordement de 470 paquets de cocaïne, d’un conteneur à un autre.

Des ramifications plus globales ont aussi été mises au jour. Un réseau de trafic de cocaïne et de blanchiment d’argent dirigé depuis Dubaï a été démantelé le 12 août à Anvers. Sur les 15 millions d’euros tirés d’activités frauduleuses en 18 mois, 900 000 ont été récupérés en espèces, selon la police belge. 

Piratage d’une messagerie cryptée

Mi-août, le maire d’Anvers Bart De Wever a une fois de plus tiré la sonnette d’alarme, en demandant au gouvernement fédéral d’intervenir. La police judiciaire mobilise déjà 20% de ses effectifs sur les affaires de drogue, et plusieurs magistrats menacés par les cartels ont été placés sous protection. La ministre belge de l’Intérieur, Annelies Verlinden, a répondu en affirmant que les violences croissantes signalent une « panique dans le milieu » des narcos, après le piratage en février 2021 de la messagerie cryptée Sky ECC, très utilisée par les criminels, qui aurait permis de procéder à un millier d’arrestations. « Nous suspectons, a déclaré la ministre le 21 août, que des cargaisons disparaissent, que les rapports hiérarchiques dans ces organisations changent et que leurs membres paniquent, ce qui a entraîné une augmentation du nombre d’incidents. »

Des phénomènes d’ordre structurel expliquent le niveau pris par le trafic de drogue à Anvers. Tout d’abord, le port de Rotterdam a fait le ménage et installé plus d’équipements de sécurité, ce qui a reporté le trafic sur la ville, où des systèmes de sécurité sont toujours absents du port, qui rechigne à investir. Cette zone de 130 km carrés, ouverte, est difficile à contrôler par 300 douaniers, même si des renforts d’une centaine d’agents sont attendus. Après des années d’atermoiements, l’État a finalement débloqué 70 millions d’euros, afin d’installer dix portiques à scanners d’ici 2024, qui devraient contrôler tous les conteneurs venant du Brésil, de Panama, de Colombie, de l’Équateur et du Paraguay.

Une partie du trafic à Anvers passe ensuite par les Pays-Bas, déjà dénoncés dans les années 2000 comme une « narco-nation » par leur propre ministre de la Justice. La réexportation, un savoir-faire national, ne concerne pas seulement les marchandises et les fleurs : la drogue est, elle aussi, acheminée dans plusieurs villes d’Europe. Enfin, le niveau de corruption des dockers à Anvers (10 000 euros pour déplacer le « bon » container) met de l’huile dans ce qui est devenu un engrenage meurtrier – avec des représailles pour ceux qui veulent le quitter. 

L’agence Belga rapporte aussi que les criminels s’infiltrent dans le port en répondant à des offres d’emploi, ce que savent les organisations patronales comme les syndicats. Curieusement, malgré l’explosion du trafic et des violences, les procédures de recrutement n’ont pas encore connu de tour de vis, pour les rendre plus strictes comme dans les aéroports ou les prisons. 

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