Législatives en Allemagne: l’ère Merkel se referme sur un scrutin particulièrement indécis

L’Allemagne vote, ce dimanche 26 septembre, pour des élections législatives à suspense où sociaux-démocrates et conservateurs se disputent la succession d’Angela Merkel. Quelque 60,4 millions d’électeurs ont jusqu’à 16h TU pour élire leurs députés. De nombreux Allemands se disaient encore indécis à quelques jours de ce vote crucial pour la première économie européenne.
Le départ d’Angela Merkel, au pouvoir depuis 2005, ouvre une nouvelle ère politique. C’est la première fois depuis 1949 que le chancelier sortant ne se représente pas. Quelle majorité succèdera à la coalition centriste entre conservateurs démocrates-chrétiens CDU/CSU et sociaux-démocrates du SPD ? Jamais l’incertitude n’a été aussi grande dans ce pays jusqu’à récemment habitué au bi-partisme.
La sensibilité croissante aux enjeux climatiques tout comme la radicalisation d’une frange de la population autour de la politique migratoire ont fait émerger deux autres partis, les Verts et l’extrême droite AfD. Résultat : les deux grands mouvements, et notamment la CDU, ont vu fondre leur électorat. Un dernier sondage paru mardi place le SPD en tête des intentions de vote avec 25% des voix contre 22% pour la CDU, 15% pour les Verts et 11% pour l’AfD.
Cette élection pourrait porter un coup dur aux conservateurs d’Angela Merkel qui jusqu’à présent avaient toujours récolté plus de 30% des suffrages lors des législatives. Leur chef de file, l’impopulaire Armin Laschet, a les plus grandes difficultés à marcher dans les pas d’une chancelière à la popularité inentamée. Dirigeant de la plus peuplée des régions allemandes, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest), cet homme affable, mais gaffeur, de 60 ans peine à convaincre jusque dans son propre camp.
En face, les sociaux-démocrates ont le vent en poupe. Après avoir enchaîné plusieurs revers électoraux ces dernières années, le SPD a su inverser la tendance depuis le début de l’année et l’investiture de son candidat de 63 ans, Olaf Scholz, actuel vice-chancelier et ministre des Finances. Les écologistes menés par Annalena Baerbock, 40 ans, devraient jouer un rôle clé dans le futur gouvernement, même si leur troisième place dans les intentions de vote est une déception pour les militants.
Trois candidats ont des personnalités assez différentes, mais tous cherchent à incarner la continuité avec Merkel. Ce qui fait que sur le fond, il y a plus des différences de degrés que des différences de nature.
Des programmes économiques aux antipodes
Tous les partis ont jusqu’ici exclu de s’associer avec l’extrême droite AfD mais une autre formation, les libéraux du FDP, crédités de 12% des intentions de vote, se profile en faiseur de roi. Ils pourraient être le pivot d’une alliance à trois avec écologistes et conservateurs ou sociaux-démocrates.
Cependant, un gouvernement de coalition aura du mal à définir une politique économique, car les programmes des principaux partis sont très différents. La question de l’endettement est le sujet le plus sensible dans un pays ou l’équilibre budgétaire est gravé dans la Constitution. En raison de la crise sanitaire, l’endettement publique a fortement augmenté. Les conservateurs et les libéraux veulent un retour rapide à l’orthodoxie budgétaire. Ce qui n’est pas du goût des sociaux-démocrates et des Verts qui souhaitent financer la transition écologique et numérique du pays par la hausse des dépenses publiques.
L’autre question sur laquelle les principales formations politiques divergent : la politique sociale. Les Verts et les sociaux-démocrates souhaitent une revalorisation du salaire minimum à 12 euros l’heure et augmenter les impôts pour les plus riches. Les deux partis sont également favorables au retour d’un impôt sur la fortune, supprimé il y a 24 ans et d’une réforme de l’impôt sur les successions. Des mesures que refusent les conservateurs notamment les libéraux. De vraies divergences divisent donc les partis, tout dépendra des équilibres de la composition de la future coalition qui pourra ainsi être pourtant formés par trois formations politiques.
Les résultats de cette élection sont en tout cas très attendus et particulièrement scrutés en Europe et pourtant, le thème de l’Union européenne a été quasiment absent de la campagne électorale allemande rapporte notre envoyée spéciale à Aix-la-Chapelle, Anastasia Becchio. « À chaque fois que je viens à Aix-la-Chapelle, je pense à l’Europe », a dit Angela Merkel ce samedi, lors d’un ultime rassemblement de campagne dans la ville natale du candidat de la CDU.
Armin Laschet, comme les autres prétendants à la succession Angela Merkel ont tous évité de mettre l’Union européenne au centre de leur campagne. Le sort de l’UE a été totalement absent des débats, entièrement centrés sur des enjeux nationaux, constate Adrian Ziegler, qui vote Vert aujourd’hui. « Beaucoup estiment qu’on doit résoudre nos problèmes en Allemagne, avant de se concentrer sur l’Europe. Moi-même, je soutiens les idées du parti pro-européen Volt, mais je ne vote pas pour lui, parce qu’il n’a aucune chance d’entrer au Parlement », explique-t-il.
Participation plus forte qu’il y a quatre ans ?
Près de 40 peut-être même 50% des Allemands qui comptent voter ce dimanche l’ont déjà fait, parfois il y a trois ou quatre semaines, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. Le vote par correspondance devrait battre un nouveau record comme on l’a déjà vu lors d’élections régionales au printemps. Ils étaient 29% déjà à avoir choisi cette solution il y a quatre ans. Par confort pour certains pour profiter tranquillement de leur dimanche ou parce que des raisons personnelles et professionnelles les empêchent de voter physiquement.
Le procédé est simple : dès qu’un électeur reçoit de sa mairie les informations sur son bureau de vote, il peut remplir au dos un formulaire, et ce jusqu’à vendredi 18h. Ce sont plutôt les électeurs sûrs de leur choix qui optent pour cette solution, car ils se décident avant la dernière ligne droite de la campagne.
La participation avait augmenté sensiblement lors des dernières élections générales il y a quatre ans à 76% alors qu’Angela Merkel se représentait. Le suspense inédit cette année avec le départ de la chancelière et des sondages qui ont été évolué sensiblement ces derniers mois laissent penser que la participation pourrait augmenter.