Passi, King Congo

 Passi, King Congo

Voilà plus de trois décennies que le Franco-Congolais Passi a posé sa marque sur le rap français. À l’occasion de la sortie de son nouvel EP Afro, flashback sur une carrière riche et mouvementée.

Trente ans de carrière, et même un peu plus si on remonte au premier single de Ministère Ämer, Traitres, paru en 1991 et mis en images par Rapline avec un clip noir & blanc filmé au cœur de Sarcelles. Le premier chapitre de la saga de Passi Balende, c’est d’abord l’arrivée à Sarcelles en 1979, à l’âge de 7 ans, Straight Outta Congo.

Avant-dernier d’une large fratrie (6 frères et sœurs), Passi rencontre au collège celui qui deviendra son frère de son, Gilles Duarte, alias Stomy Bugsy, avec qui il va fonder le groupe de rap Ministère Ämer. En compagnie de son manager et agent provocateur Kenzy, le Ministère impose dès ses débuts cette image d’un hardcore terminal, qui ferait presque passer NTM pour de sympathiques utopistes.

Le scandale se fait national en 1995, lorsque le groupe signe Sacrifice de poulets, titre inédit inclus sur la compilation qui accompagne le film de Mathieu Kassovitz, La Haine. Interviews enflammées, procès, (grosse) amende, on n’a jamais autant parlé du groupe qu’à l’occasion de ce titre. Ce sera d’ailleurs leur baroud d’honneur, car malgré les promesses renouvelées de ses membres, le Ministère cesse d’exercer, le projet d’un troisième album restant lettre morte.

Passi, lui, a d’autres problèmes : s’il n’apparait pas sur ce titre culinaire et provocateur, c’est qu’il est ailleurs. En prison. Une sombre affaire de revanche mortelle entre jeunes de quartier dont il sortira innocenté, après une période d’incarcération qui sera le thème d’un de ses morceaux solo les plus fameux, Le Maton me guette.

Premier album

Mais avant son premier album, Passi se chauffe avec Les Flammes du mal, superbe titre apocalyptique illustrant la musique du film de Jean-François Richet Ma 6T Va Crack-er, considéré par Laurent Bouneau, programmateur de Skyrock, comme « un choc énorme, un très, très grand morceau ». Un duo avec Doc GynécoEst-ce que ça le fait ?, sur sa Première consultation multi-platine, et Passi est prêt pour la grande aventure : l’album Les Tentations sort en 1997, porté par le single à succès Je Zappe et je mate. C’est un triomphe, près de 500.000 exemplaires s’écoulent, et Passi parcourt le monde. Dakar, Montréal, Cologne, Belfort pour les Eurockéennes, Paris au Zénith, l’Altesse Double S s’impose comme un poids lourd du rap français.

On le voit avec le gang du Secteur Ä pour le fameux concert parisien des Dix petits nègres fêtant l’abolition de l’esclavage, et c’est l’Afrique qui sera au cœur de son projet suivant, le groupe Made in Congo Bisso Na Bisso. « Bisso, on avait commencé même avant mon album solo, il y a un morceau qui date de novembre 1996, C.O.N.G.O.. Je faisais mon album d’un côté et Bisso de l’autre. On se retrouvait entre Congolais au studio et le groupe s’est monté comme ça, l’envie est venue ». Des samples de Pamelo Nmouka et de Franklin Boukaka, la participation de Lokua Kanza, Monique Seka, Koffi Olomidé, Jean-Phi Dary, Papa Wemba, Michel Alibo, Popolipo…

Bisso Na Bisso va triompher lors de la cérémonie des Kora Awards à Sun City en Afrique du Sud, où le collectif mené par Passi est sacré Meilleur groupe africain en présence de Nelson Mandela et Michael Jackson. Pas mal pour un projet que certains pessimistes considéraient comme perdu d’avance.

Les albums se suivent, chacun avec leurs moments de grâce : Émeutes sur le LP Genèse, avec un sample d’Aznavour et les chœurs de l’Armée Rouge, Ancien Combattant (reprise du classique de Zao) avec Stomy sur Odyssée.

Producteur, Passi lance sa série de CDs Dis l’heure (de rimes, de zouk, de ragga dancehall, de hip-hop rock, d’afro zouk, d’afro pop) et devient ambassadeur d’une marque de streetwear en 2001. On le découvre jury dans l’émission de téléréalité musicale Nouvelle Star.

Du côté de l’image

Le 21e siècle le voit se diriger vers l’image. Il réalise une quinzaine de clips vidéo, dont celui de Johnny Hallyday avec le Ministère Ämer, Le Temps passe, en 2008. Il incarne un serial killer dans Inspecteur Sori, le feuilleton de Mamady Sidibé, signe la B.O. du long-métrage Ze Film en 2005 et apparait dans quelques téléfilms.

En 2021, la réalisatrice allemande Lisa Bierwith lui offre le premier rôle dans Le Prince, où il incarne un diamantaire sans papiers qui tombe amoureux d’une galeriste à Francfort. Le film a obtenu le prix du meilleur film étranger au festival Écrans Noirs de Yaoundé.

2023, c’est l’heure d’un premier bilan après trois décennies d’activisme musical et visuel avec deux événements qui remettent Passi au cœur de l’actualité. D’abord la réédition des Tentations en digital (avec une version vinyle incluant un inédit en avril prochain), mais aussi un concert parisien au Point FMR le mercredi 1er février et un nouvel EP au titre évocateur, Afro.

Du côté de l’Afrique toujours

Afro, c’est une nouvelle célébration de l’Africanité de Passi, Sept chansons qui voyagent entre France, Congo, Ghana et Nigéria, avec des featurings de poids venus du continent premier : Sarkodie du Ghana enflamme C’est combien, le Congolais Roga Roga (fondateur d’Extra Musica, les kings de la rumba) fait swinguer Mon Africaine et Praiz du Nigéria chante en trio sur Fololo.

Mais il y a aussi France Orti, nouvel artiste signé par Passi sur son label, lauréat Révélation artiste étranger aux Supremes Dynamic Talent Academy Awards de Ghana en 2022, qui chante en igbo, en pidgin et en yorouba sur Omerta et Fololo.

Bref, la saga continue pour Passi, qui de Sarcelles au Congo et vice-versa, en trente ans chrono de carrière rapologique, a su prouver sa versatilité et sa longévité artistique. Est-ce que ça le fait ? Ouais, ouais !

Passi Afro (Spyce Publishing) 2023

Facebook / Twitter / Instagram / YouTube

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *