Prise de Lyssytchansk par les Russes: «Une étape de plus vers la conquête totale du Donbass»

L’état-major des forces armées ukrainiennes a annoncé dimanche 3 juillet son retrait de la ville de Lyssytchansk, au cœur de combats acharnés ces dernières semaines, reconnaissant la « supériorité » des troupes russes sur le terrain. Trois questions au colonel Peer de Jong, vice-président de l’institut Thémis, spécialiste de géopolitique.
Après ce nouveau retrait ukrainien, peut-on parler de tournant ?
Peer de Jong : C’est une étape de plus, effectivement, vers la conquête totale du Donbass, mais on ne peut pas considérer que c’est un objectif total. Le Donbass ne sera tombé réellement que lorsque Kramatorsk sera vraiment tombée. On pourra alors considérer qu’une nouvelle phase pourra s’ouvrir. Je pense que la ville de Sievierodonetsk était en premier échelon, celle de Lyssytchansk était en deuxième échelon.
Tenir cette dernière était très important, parce que cela a permis aux unités qui étaient à Sievierodonetsk de s’exfiltrer et de partir en direction de l’ouest, une opération relativement compliquée, avec le franchissement d’une rivière. Lyssytchansk était un point important, car il permettait ce désengagement. Mais dès lors que les troupes basées à Sievierodonetsk en sont parties, Lyssytchansk a perdu sa valeur stratégique. Je pense que les Ukrainiens se sont maintenant repositionnés sur ce qu’on appelle des positions préparées à l’avance, 10 ou 20 km derrière.
Quelles sont les options militaires qui s’offrent aux Ukrainiens ?
Le problème, c’est qu’ils sont en situation défensive, avec des options militaires limitées par la force des choses. Les Russes manœuvrent plutôt assez bien. Ils ont concentré leurs moyens sur le Donbass, qui est l’objectif prioritaire, mais de temps en temps, ils procèdent à des tirs sur Kharkiv dans le nord ou Mykoaïv dans le sud, ou encore Odessa.
Par ces tirs, ils envoient deux messages. Ils signalent, tout d’abord, qu’ils sont en capacité de toucher l’ensemble. Et puis, ces attaques empêchent les Ukrainiens de se désengager de certains points pour renforcer le front du Donbass. On aurait pu imaginer que les Ukrainiens récupèrent un bataillon ou une brigade, soit plusieurs milliers d’hommes à Odessa, par exemple pour envoyer dans le Donbass, mais c’est impossible vu que la menace est forte sur l’ensemble du territoire.
La contre-offensive qui semble menée dans le sud autour de Kherson pourrait-elle constituer une option militaire pour les Ukrainiens ?
Oui et non. Tout d’abord, toute action de contre-offensive est bonne pour le moral. La reprise de l’île aux Serpents, la semaine dernière, a été, par exemple, une bonne nouvelle qui a été annoncée par le président Zelensky urbi et orbi. Cela redonne le moral, c’est bon pour la population et l’armée.
Mais il y a aussi la problématique de l’objectif tactique. Je pense que les Ukrainiens veulent éviter que les Russes mènent une offensive sur Mykolaïv à partir de Kherson. Cette dernière est quasiment intacte, les Russes venant de Crimée s’y sont installés quasiment dans les premiers jours de l’opération militaire. Je pense qu’aujourd’hui les Ukrainiens cherchent simplement à contenir les Russes à Kherson, pour les contrôler et les empêcher de se répandre dans le sud.